Une auberge pas comme les autres

~* Faris plisse les yeux et alors que le barde s'éloigne pour rejoindre sa place d'origine, la Demie-Elfe répète dans un murmure le prénom de son interlocuteur. Prenant bonne note de sa requête, la Ménestrelle n'en met pas moins de côté l'appel de son estomac. Ainsi, elle pivote légèrement sur son tabouret pour se retourver nez à nez avec son repas.

Après avoir adressé les remerciements d'usage à l'aubergiste, la Demie-Elfe s'empare des couverts à sa dsposition. Méthodiquement, elle coupe une épaisse tranche de pain et de fines lamelles de fromage. Ensuite, avec sa fourchette, elle pioche quelques morceaux de son omelette dans son assiette. Les oeufs encore bien chauds font fondre le fromage disposé sur le pain ... Le regard de la Ménestrelle trahit sa gourmandise, et cela avant même qu'elle aie l'occasion de croquer sa monstrueuse tartine.

Il est certains plaisirs dont on ne saurait se passer. Pour Faris, la bonne cuisine fait partie du lot. Même les plats les plus simples ont cette capacité à faire ressortir le côté bon vivant de la Ménestrelle. D'ailleurs, la Demie-Elfe ne manquera pas de saluer à nouveau les talents de Celebnor. Faris ne mettra pas beaucoup de temps avant d'engloutir littéralement le contenu de son assiette. Son repas terminé, elle dépose les couverts dans son assiette avec précaution, et remballe pain et fromage dans leur torchon.

La Ménestrelle s'excuse auprès de Celebnor et de Vaeylon avant de quitter sa place au comptoir. La Demie-Elfe a déjà regagné un peu de sa vigueur grâce à son passage dans cette auberge. Déssormais, une discussion s'impose avec cet "Alfarin". C'est pourquoi Faris se dirige sans hésiter vers le joueur de luth ... A chacun de ses pas, le cliquetis de "Murasame" se fait entendre, ainsi que le léger tintement du grelot récemment attaché à sa garde. La Demie-Elfe arbore un sourire on ne peut plus amical : *~


" Eh bien j'en ai terminé avec les caprices de son estomac, désormais. Nous avons maintenant tout le loisir de discuter. Alfarin, c'est bien cela ? Bien que les présentations semblent superflues, à en juger votre regard, je ne nomme pour ma part Faris. Je suppose que vous avez pas mal de choses à me demander. "


~* La Ménestrelle ne s'est pas encore assise, elle attend l'invitation du barde pour réellement engager la conversation. Elle se tient droite et fière, les mains posées sur ses hanches, l'oeil vif et toujours la moitié gauche de son visage dissimulée sous ses cheveux en bataille. *~

~* La Ménestrelle hoche la tête, acceptant avec plaisir l'invitation du barde à venir s'asseoir et à partager un verre. Faris a toujours du mal à composer avec sa réputation, mais les nombreuses années qu'elle a derrière elle n'aide pas la Demie-Elfe à rester discrète.

De plus, les paroles d'Alfarin la perturbent quelque peu "... vous trouver si vite et si facilement". Ainsi donc, le joueur de luth s'est lancé à la recherche de la Ménestrelle ...? Alors qu'elle songe aux explications possibles à cette quête, Faris se pose lentement sur sa chaise, et s'installe à son aise, mains sur ses genoux : *~


" Qu'il en soit ainsi, l'ami. Je vous laisse le soin de passer commande auprès de l'aubergiste ( un mince sourire se dessine sur son visage ) - question de galanterie. Je dois dire que vous conter mes péripéties récentes serait une grande joie pour moi, mais à condition que vous m'en disiez plus, en ce qui vous concerne, sur le fragment d'arme que vous vous trimballez ... Et bien entendu, il me plairait de savoir ce que vous savez vraiment de moi - j'entends par là ce que vous savez d'autre que les histoires de la Ménestrelle qui criculent ça et là. Marché conclu ? "


~* Faris ponctue ces paroles d'un sourire en coin entendu, penchant légèrement la tête de côté. Ses sourcils arqués sont signe d'espièglerie. La Demie-Elfe doute qu'Alfarin refuse d'honorer sa part de marché. Bien que les pensées de la Ménestrelle soient actuellement essentiellement dirigées vers son imminent retour aux sources, elle ne prend pas cette entrevue avec le barde à la légère, ni ne la considère comme un obstacle à son voyage.

Alors qu'elle songe de plus en plus à faire appel à la magie pour rentrer chez elle, Faris est de nouveau en passe de se perdre dans ses pensées ... Dans un odieux automatisme, la Demie-Elfe se met à tapoter, du bout des doigts de sa main gauche, la garde de son arme de prédilection. Puisque le joueur de luth semble parfaitement au courant de l'existence de "Murasame", la Ménestrelle doute que cette petite habitude ne dérange son interlocuteur ... *~

~* Faris écoute attentivement le récit d'Alfarin. Ainsi, il a donc bien été envoyé à sa recherche, malgré son désir certain de rencontrer la Ménestrelle - un rêve d'enfant ?

Lentement, méthodiquement, la Demie-Elfe fragmente chaque parole de son interlocuteur. Néant, lame de l'oubli - voilà un nom qui sied parfaitement à l'apparence de cette arme sur le plan matériel. Un fragment manquant. Tout égo qui se respecte est en perpétuelle quête de perfection ... Un forgeron inconnu. La comparaison avec "Murasame" - plus de doute possible, Alfarin est bien renseigné sur la question, le nom de la lame de flétrissure n'apparaissant que très peu dans les récits connus de ses pérégrinations ...

Les flatteries du barde concernant les talents de la Ménestrelle irritent quelque peu cette dernière. Le fait d'être une espèce de "légende vivante" agace énormément Faris. Ca doit aussi être pour cette raison qu'il tarde à la Demie-Elfe de regagner son continent.

Mais ce qui attire le plus l'attention de Faris, c'est l'évocation du "vieil homme" et la présentation du coffret. La Ménestrelle ne porte pas la main à cet ouvrage familier, mais se contente de froncer les sourcils : *~


" (thghts) Il n'a quand même pas osé se lancer seul dans la bataille ? Non mais quel idiot ! L'essence vitale, le plan menacé de disparition ... Ca ne peut être que lui. Non mais quel idiot ! Et Famëris qui s'évertue à sceller les portes de la sombre cité ... Ah ces deux là quand ils s'y mettent, c'est quelque chose ! L'un comme l'autre, ils n'ont pas intérêt à me claquer entre les doigts. Ca sent le grand voyage tout ça ... "


~* Faris rechigne à mettre la main sur le coffret. Ses yeux sont rivés sur l'estampillage denerian gravé dans le bois. La Demie-Elfe pousse un long soupir, elle a arrêté de triturer la garde de son arme depuis quelques instants déjà. L'affaire devient un peu trop sérieuse pour elle, ça commence à lui peser.

"Murasame" ne tarde pas à réagir à l'humeur de son porteur. Faris sent progressivement s'étendre les ombres de la dévoreuse d'âme le long de sa jambe et de sa hanche, du côté gauche - évidemment. De par cette relation fusionnelle entre la lame et son propriétaire, cette réaction (al)chimique se produit directement sur la peau de la Ménestrelle, et seules quelques vapeurs noirâtres provenant de sous le tissu des vêtement de Faris trahissent ce qui est en train de se produire : *~


" Bien ... Je vois. Je prendrais bien ... Un autre verre de vin. Si cela vous convient ... "


~* Momentanément, Faris se sent obligée de masquer la partie visible de son visage à l'aide de sa main droite. Tournant légèrement la tête de côté et fermant les yeux, la Ménestrelle semble lutter contre quelque chose, en silence.

Lorsqu'elle daigne enfin revenir à la normale, c'est à dire en sa position d'origine face à Alfarin, un détail n'échappera pas à ce dernier. En effet, bien que d'ordinaire la moitié gauche du visage de la Demie-Elfe soit dissimulée sous ses cheveux - ce qui est toujours le cas, on peut très nettement voir, de là où le joueur de luth est installé, des espèces de marbrures couleur ébène parcourir la peau de la Ménestrelle : *~


" Et si, maintenant, je vous parlais du pouvoir d'Arkhélion ? "

~* Nerveusement, Faris passe une main sur son visage parsemé de nervures noires, qui ne semblent pas décidées à s'éclipser. Quelque chose semble s'animer dans le fond de son oeil naturel de la Demie-Elfe lorsqu'elle constate de près, et en pleine lumière cette fois, la particularité des yeux d'Alfarin.

Le grelot de "Murasame" tinte à nouveau, très distinctement. Délicatement, Faris écarte les pans de son manteau. Elle lance un regard attentif à la salle et finit par se saisir de la garde de son arme, à deux mains. Accompagnant ce mouvement par le fait d'étendre sa jambe gauche, Faris fait passer son katana par-dessus ses membres inférieurs - en prenant garde à son interlocuteur. Ses jambes reviennent à leur position d'origine.

"Murasame" finira par sagement reposer sur les genoux de son porteur, à l'horizontale. La main gauche de la Ménestrelle tient fermement la garde du katana - entre son index et son majeur, Faris a enroulé une sorte de dragonne, à laquelle est justement attaché le fameux grelot, qu'elle bloque entre ses doigts. Avec une attention toute particulière, c'est de la main droite que la Demie-Elfe, avec le bout de ses doigts, caresse la lame de son arme favorite. Un triste sourire est accroché à ses lèvres. Le katana manifeste parfois sa "compassion" en émettant des filaments noirs, qui viennent s'entremêler dans les doigts de son propriétaire ... *~


" Inutile de la présenter n'est-ce pas ? 'Murasame' - la dévoreuse d'âmes, comme on l'appelle plus facilement. Une arme à égo. Elle et sa jumelle ont été forgées il y a maints siècles - pour ne pas dire millénaires, de cela. Je servais sous l'ordre de Tempus à l'époque, et je me préparais à passer le portail des armées espers, changer de vie une fois de plus.

Mais parce que j'étais avant toute chose destinée à devenir la Prophétesse du Chaos de la seconde génération, j'entretenais des liens étroits avec l'Ombregarde. Un cercle fermé dont les membres étaient tous plus ou moins liés avec les arts létaux, et l'histoire des plans. J'ai passé bien du temps à consulter leurs archives. J'y ai découvert le principe - et les préceptes, de l'Arkhélion.

Des lames jumelles, seule l'une d'entre elles étaient destinée à survivre. Je ne pensais pas avoir les talents nécessaires pour créer deux armes à égo. J'ai choisi la sécurité en réservant deux receptacles possibles à l'Arkhélion. Comme vous le savez déjà, les jumelles existent bel et bien, et continuent leur évolution.

Déclencher une fusion d'Arkhélion, c'est porter le destin des mondes sur ses épaules. Une telle chose ne peut se produire que lorsqu'un être vivant et un artéfact spécifique entrent en connivence parfaite. Faire tourner la roue du destin, c'est jouer avec la Mort. Tenter une fusion, c'est placer corps et âme sur la roue du destin ... "

~* La Demie-Elfe arque un sourcil, esquisse un sourire en coin et relève la tête un instant afin de plonger dans le regard du barde. Ainsi, il en aura plus compris en quelques paroles que ... n'importe qui d'autre qui ne connaitrait pas l'histoire de la Ménestrelle. Faris commence à se demander d'où peut bien, en réalité, venir Alfarin.

Combien de fois les porteurs des jumelles se sont affrontés en duel ? Faris ne s'en souvient même pas. Le prix de son erreur - la survie de "Masamune", a été de faire face à son destin, à maintes reprises, mais aujourd'hui encore, cette page est loin d'être tournée. Pour avoir tenté une autre fois de se mettre au niveau des dieux, la Demie-Elfe a payé le prix fort.

Elle s'en souvient encore, avec une force, une intensité incroyable. Le supplice des mille lames. Même le rituel de Famëris pour ramener sa mère à la vie n'a pu en effacer les traces physiques. C'était à Uthal. La Ménestrelle lâche un soupir et porte machinalement la main à sa cicatrice située sur le haut de sa paumette droite. Ca, c'était pour avoir essayé de prendre la place d'une déesse. Fichue prophétie du Chaos.

L'Arkhélion, c'est encore plus vieux que ces tristes événements dans le monde des Espers. Sauf que ce "rêve", la Demie-elfe ne l'a pas encore totalement réalisé : *~


" Vous en savez beaucoup plus que ce que vous voulez bien me dire ... Soit. Cependant vous vous méprennez sur certains points.

Je n'ai pas l'intention de récupérer la jumelle de 'Murasame'. Encore moins de massacrer son porteur. Vous tueriez le père - enfin la mère dans votre cas, de votre enfant ? C'est bien ce que je pensais ; moi non plus. Mais pour ce qui est de me placer sur la roue du destin, vous avez absolument raison.

La légende est on ne peut plus vraie. Ce que vous ignorez sans doute, c'est que ma punition pour avoir plongé dans les préceptes d'Arkhélion, a été de m'imposer un double. Oui oui, un double. Elle s'appelle Selad. Pour le moment, on l'a enfermée dans la Sombre cité de Suran'dir. "

~* L'Hylgraud ... Ce nom résonne durement aux oreilles de la Demie-Elfe, pour n'y avoir, en tout et pour tout, mis les pieds qu'une seule fois. Quelque part, elle se doutait qu'Alfarin allait lui faire une telle révélation. Des millénaires d'existance n'effacent décidément ni l'instinct, ni l'intuition féminine ...

Le visage de la Ménestrelle se durcit de plus en plus, mais en même temps, ses yeux s'animent d'un sentiment particulièrement intense et envahissant. La rage de vivre, la soif de victoire ? Tout simplement l'envie d'écrire sa propre destinée. L'existance de la Demie-Elfe ne s'est finalement résolue qu'à fuir un destin écrit bien à l'avance, et aujourd'hui encore, son défi en de changer le cours des choses ...

Faris comprend que l'échéance n'est pas loin, à entendre les réflexions à voix haute du barde en face d'elle. Mais pourquoi diable tout le monde pense que Lord Sephiroth a péri dans la bataille ? Alfarin a raison sur un point - un point essentiel : la personne qui a forgé les lames jumelles connaît en permanence leurs positions respectives - et donc, celles de leurs porteurs. Après tout, Lord Sephiroth n'est pas n'importe qui aux yeux de la Demie-Elfe ...

La Ménestrelle finit par arquer un sourcil et retrouver cet air espiègle des premiers instants en tête à tête avec Alfarin : *~


" Est-ce que je mérite vraiment mon titre de 'légende vivante' ? A en croire votre regard, c'est indéniable. D'autant plus que, maintenant que je sais d'où vous venez vraiment, je ne peux que compatir et comprendre votre réaction.

Vous venez de comprendre n'est-ce pas ? Les liens avec votre souverain ... Pardonnez-moi mais ce mot me fait sourire. Quelle ironie que lui et moi ayions aussi à partager cette délicate position, le fait d'être placé sur un trône. Nous avons tellement de choses en commun lui et moi, et tout porte à croire que même les étoiles n'avaient pas prévu cela.

Ce qui m'inquiète, c'est que finalement, c'est à moi que l'on demande de retrouver Lord Sephiroth. Je peux vous assurer que pour le moment, il est encore vivant. Il n'a pas encore tiré sa révérence. Malgré ma véritable présence, là en face de vous, je n'ai jamais cessé de lutter à ses côtés - du moins, quand il ne me cherche pas.

Alfarin ... Est-ce que vous savez ce que je suis ? "

~* Faris lâche un court soupir et esquisse un sourire en coin qui en dit long. Les événements de l'Hylgraud ... Elle en garde un souvenir brûlant, sentiment probablement partagé par l'intendant des terres. C'est à croire que la Ménestrelle laisse autant de traces derrière elle, de par son art de la guerre que par les chants qu'elle compose.

Et malgré la douleur et le souvenir amer que la Demie-elfe peut susciter de par le simple fait de respirer encore à ces âges, c'est bien à elle que l'on demande d'ouvrir une faille vers l'Outre-Plan. Il est une clef, dont personne n'a pu se servir.

Encore une chance que le secret qui entoure l'existence de Famëris ne soit pas excessivement répendu - Alfarin aurait très bien pu se lancer à sa recherche. La Ménestrelle soupçonne que sa fille aurait comis une sacrée erreur en tentant de joindre le repli planaire de son paternel en solitaire. La dernière fois, "Masamune" avait failli couper court à l'existence de son porteur ... Et la démesure de la "flamme éternelle" n'avait rien pu contre ça.

Faris se reprend, perdue dans ses pensées les plus profondes. Ca devient une très mauvaise habitude. Son visage se fait soudainement plus serein, et son sourire bienveillant.

Elle apprécie le changement de ton d'Alfarin. La Demie-Elfe, bien qu'elle sache combien sa personnalité peut être fascinante, n'apprécie guère les admirateurs. Certes, c'est bel et bien un barde qui est assis en face d'elle, qui plus est un être originaire de l'Hylgraud, mais elle n'arrive pas à se résoudre à son statut, ce mythe qu'on a construit autour d'elle ...

Après tout, combien d'héritiers des royaumes de l'Etoile foulent aujourd'hui cette terre ? Combien sont des semi-elfes à pendant denerian ? Combien d'entre eux vivent avec une moitié de leur âme dans le royaume des morts ? La liste est longue.

Quelque chose brûle à l'intérieur de Faris ... La Ménestrelle pose de nouveau ses yeux sur son interlocuteur, faisant au passage tinter le grelot de "Murasame". Elle s'adresse au barde, dans un timbre beaucoup plus doux que précédemment : *~


" S'il est une chose que j'ai admise il y a longtemps, c'est que nul ne peut réellement échapper à son destin. Oui, je l'ai admis, même si je tente de déclencher un Arkhélion ...

Si je vous dis cela, c'est parce qu'au final, c'est à moi que l'on demande de retrouver la trace de votre souverain. J'insiste là dessus. Tout simplement du fait que je connais le moyen de l'atteindre. Vous, ne faites que supposer de sa position et de son état.

Quant à savoir ce que je suis vraiment, je suppose qu'il n'y a qu'un moyen pour vous de le découvrir. C'est de vous demander de me suivre dans mes prochains voyages. "